Oniisama E
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Intime Etrangère (fanfic "Très Cher Frère")

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Message par LaLy Ven 11 Jan - 16:50

Comme promis, je reposte ici mes fics "très Cher frère".

CHAPITRE 1

Vingt ans qu’elle n’avait pas foulé le sol de son pays natal. Vingt ans qu’elle avait laissé Rei Asaka derrière elle. Vingt ans qu’elle avait tout abandonné. Et voici qu’elle revenait, non par réel désir, mais par obligation professionnelle et familiale.


Frédérique Delfosse avait reçu une récompense pour son dernier livre. Elle s’était habituée à voir son travail primé, sans en tirer une fierté démesurée : elle n’écrivait pas pour le succès mais parce que l’écriture était tout simplement sa vie. Parfois le succès était démesurément au rendez-vous, parfois moins. Peu importait, elle écrivait, elle vivait, elle était heureuse. Elle n’avait jamais pensé que Rei Asaka viendrait à nouveau frapper à sa porte.
Officiellement, elle était morte. Fukiko lui avait avoué ce qu’elle représentait pour elle, à savoir rien, si ce n’est un faire-valoir, un fantôme qui lui permettait d’éprouver sa supériorité, une poupée dont elle se plaisait à faire saigner le cœur à chaque jeu cruel, un jouet qui lui appartenait. Jamais sa sœur ne l’avait aimée. Jamais il n’y avait eu de lien secret entre elles comme elle se l’était stupidement imaginé. Rei l’avait compris. Incapable de le supporter, Rei avait passé la nuit à tenter d’anesthésier chimiquement sa douleur.

Elle y était parvenue : elle avait eu le sentiment d’être recouverte peu à peu par un chaud manteau d’obscurité qui l’enveloppait toujours davantage à chaque nouvelle pilule. Elle s’était laissée entraînée par la nuit. Heureuse. Soulagée. Enfin, elle ne souffrait plus. Puis, la douleur était revenue, sans qu’elle en connaisse la cause. Elle s’était réveillée sur un banc, dans le parc qui jouxtait sa résidence, en compagnie d’une inconnue encore plus mal en point qu’elle. Elle l’avait traînée et déposée devant un hôpital. Puis, elle s’en était allée retrouver la prison que Fukiko lui avait construite. Assommée par les médicaments, elle avait échoué sur son lit, dérivé dans un sommeil lourd et sans rêve.

Elle s’était réveillée avec le sentiment qu’elle dormait encore. Il faisait jour. Mais quel jour ? Elle l’ignorait. Peu importait. Elle s’était recouchée. Lorsqu’elle avait à nouveau ouvert les yeux, il faisait nuit. Elle avait senti dans son estomac une vague sensation de faim qui ne semblait pas vouloir la quitter. Elle était sortie, à la recherche de quelque chose pour calmer l’importun. Alors qu’elle mastiquait en marchant un vague aliment qui ne l’intéressait que parce qu’il faisait taire son estomac, elle avait recraché la bouchée qu’elle venait de prendre. De surprise.


Elle venait de faire la plus étrange des rencontres : un journal qui parlait de l’éventuel suicide d’une élève du célèbre lycée Seiran : Rei Asaka. Fébrilement, elle avait cherché une quelconque pilule pour lui servir de béquille. Elle n’en avait pas. Sa main était passée sur son portefeuille. Elle l’avait sorti pour vérifier son identité : Frédérique Delfosse ! L’inconnue lui avait-elle fait les poches avant de sombrer dans l’inconscience ? Elle avait remarqué qu’il lui manquait l’argent et les médicaments qui se trouvaient habituellement sur elle. Elle s’était approchée du kiosque fermé dont la vitrine contenait le journal qui lui annonçait sa mort. Elle avait regardé ce que l’on présentait comme sa photo: l’inconnue avait suffisamment de ressemblances pour qu’on les confonde si l’on n’y prêtait pas une grande attention. Après tout, pourquoi les personnes des urgences auraient-elles douté de l’identité de la jeune femme qui avait échoué sur leur parvis ?
Mais pourquoi les personnes qui l’avaient connue ne s’étaient-elles aperçues de rien ? Peut-être que sa famille avait préféré laisser le cercueil fermé afin de ne pas avoir à affronter les conséquences de ce qu’ils n’avaient pas fait ? Peut-être que St Just s’était entouré d’un trop grand mystère pour que … Mais non, bien sûr que non, la réponse, elle venait de la lire : une autopsie était en cours.

Le corps n’avait pas encore été rendu à la famille. Lorsqu’elle avait donné sa poupée à Nanako, elle avait voulu signifier qu’elle ne serait plus le jouet de Fukiko. Puis, une fois seule, dans sa prison de miroirs, sa sœur avait été la plus forte : Rei n’avait pas su lutter contre les phrases qui passaient et repassaient dans sa tête, comme dans une salle de cinéma infernale. Elle s’était appuyée sur ses béquilles habituelles : ses béquilles chimiques, si faciles à utiliser et à dissimuler.



Face à l’annonce de sa propre mort, Rei n’avait plus eu à chercher la porte de sortie de la prison où elle s’était laissée enfermée, avec son consentement. La porte s’était imposée, malgré elle, malgré Fukiko. Comme si sa poupée avait réalisé l’ultime souhait qu’elle lui avait confié, à défaut d’avoir pu exaucer les autres. Elle avait hâté le pas, et était retourné chez elle, avait pris l’argent de sa pension mensuelle qu’elle exigeait en liquide et auquel elle touchait très peu, et arraché le bracelet de servitude que lui avait remis sa sœur. Il devait se trouver chez elle : l’inconnue … Rei Asaka … ne le portait pas lors de son arrivée à l’hôpital, il ne pouvait donc que se trouver chez elle.

Geste d’indépendance voulue ou geste d’indépendance forcée vis-à-vis de Fukiko, Rei ignorait la signification de ce qu’elle faisait. Une seule idée la guidait : fuir Rei Asaka.


Frédérique Delfosse était française. Rei s’était donc rendue à l’aéroport et envolée pour la France. Dans l’avion, elle avait souri : elle avait toujours nourri une passion pour cette langue. Elle ignorait qu’un jour, elle lui servirait. Elle ignorait également que ses autres passions lui seraient utiles. Malgré l’argent de sa pension qu’elle avait épargné presqu’à son insu, Frédérique avait compris qu’elle devrait travailler. A part la musique et la littérature, elle n’avait aucun talent particulier. Elle avait opté pour la musique. Elle avait été engagée par de petits restaurants qui souhaitaient agrémenter le repas de leur clientèle par de la musique. Personne n’était réellement exigeant sur la qualité de son jeu. Personne ne lui posait de question. La situation lui convenait. Du moins, elle lui avait convenu un temps. Jusqu’au jour où la vie de Rei était venue hanter son sommeil et sa mémoire.


Il était beaucoup plus difficile d’enterrer un souvenir qu’un corps. Il fallait qu’elle parle. Mais à qui ? Elle n’avait que quelques connaissances à Paris. Et, l’histoire de Rei Asaka, celle qu’elle avait été, devait rester secrète. Elle avait alors décidé de se confier sur papier. A son insu, elle avait écrit son premier roman, auquel elle avait négligemment donné le titre de la phrase qui revenait le plus souvent dans son livre : '« … », puisque tout le monde s’en fout ! Même vous ! '.

Elle y décrivait sa solitude dans sa prison de miroirs, en disséquant sa relation spéculaire et solipiste, sans donner les raisons de cette détresse intérieure. Elle refusait de les confier, même à des feuilles de papiers muettes : selon elle, ça n'intéressait personne. A quoi bon faire couler d'inutiles larmes d'encre sur des feuilles qui n'avaient que faire de ce qu'elle recueillait. Mais dans ce cas, pourquoi écrire ? Elle n'avait pas été sensible au paradoxe de sa conduite et s'était contenté d'écrire.

Pendant des mois, elle avait laissé les feuillets prendre la poussière par terre. Puis, lasse de les voir, elle les avait mis dans une enveloppe et jetés dans une boîte aux lettres, en inscrivant l’adresse de la maison d’édition du premier livre qui lui était tombé sous la main. Au moins, eux auraient le courage de mettre ces pages où elles devaient aller : à la poubelle.

La main suspendue au-dessus du vide-ordures, elle n’était jamais parvenue à aller au bout : il lui semblait qu’elle se jetait elle-même. Et elle ne voulait plus. Plus jamais. Elle refusait même de prendre un cachet d’aspirine, car sa seule vue lui apparaissait comme un clin d’œil de la dépendance mortifère dans laquelle elle s’était laissé emprisonner, par indifférence, et volonté non avouée de se détruire. Lorsqu’elle avait été opérée de l’appendicite, elle avait été prise d’une forte envie d’étrangler l’anesthésiste lorsqu’il lui avait fait la piqure visant à l’endormir.

Une fois les feuillets expédiés, elle ne s’en était plus soucié.

Elle écrivait à nouveau, quelque chose qui s’appelait 'La poupée qui saigne'. Elle venait de le terminer lorsqu’elle avait reçu un courrier qui l’avait laissée hébétée : avait-elle par inadvertance écrit son adresse au dos de l’enveloppe ? La maison d’édition lui avait répondu. Favorablement ! On trouvait son travail intéressant, bien que devant être repris par endroit. Et pour cause, elle ne s’était pas relue, et avait écrit presque machinalement, à tel point qu’elle ignorait ce que son « futur livre » racontait au juste.

'« … », puisque tout le monde s’en fout ! Même vous !' avait obtenu de bonnes critiques pour un premier roman. On avait aimé cette colère qui prenait parfois l'auteur contre le support de son livre. Les critiques avaient abondamment glosé sur la démarche de l'auteur. Cette dernière avait beaucoup ri : à ses yeux, son livre n'était sous-tendu par aucune démarche...
La maison lui avait demandé si elle avait d’autres manuscrits. Elle avait donné 'La poupée qui saigne'. On avait loué la relation quasi-incesteuse imaginée entre ces deux sœurs.
« Imaginée… » Rei avait éclaté de rire. Décidément, aux yeux de Frédérique, les critiques étaient des comiques qui s'ignoraient. Rien que pour lire leurs réactions, elle aurait continué à écrire sans savoir au juste ce qu'elle écrivait, même si l'écriture n'avait pas été pour elle sa nouvelle béquille.


Le succès au rendez-vous, Frédérique ne s’était pas laissée griser pour autant : elle continuait à aller jouer du piano au restaurant. Pour elle, son exutoire ne pouvait devenir un métier, surtout quand il dépendait de clowns refoulés. Ce fut le comportement de certains clients qui l’importunaient en lui demandant des dédicaces qui l’avait fait se consacrer intégralement à l’écriture. Le seul moyen d’avoir la paix…



A vingt ans, elle avait rencontré l’amour. A trente, elle avait rompu avec son compagnon. Bien qu’éprise de lui, elle ne voulait pas l’obliger à porter le secret de Rei Asaka. Elle ne pouvait pas lui faire ça : sa famille faisait partie des fortunes les plus en vues, elle ne voulait pas qu’il souffre un jour de l’existence de Rei.

Deux semaines après avoir rompu, elle avait appris qu’elle était enceinte. Elle avait hésité à garder l’enfant. Pendant sa période d’hésitation, elle avait accouché d’un de ses plus grands succès : L’enfant jamais né. Un enfant imaginaire qui accompagnait partout une femme qui avait décidé de renoncer à la maternité.

Finalement, elle avait gardé l’enfant. Elle aurait voulu l’appeler « Nanako » en souvenir de la jeune fille qui avait tenté d’offrir à Rei une chaleur humaine qui l’avait effrayée. Dans l’impossibilité de donner à sa fille un prénom japonais qui l’aurait trop rapproché de Rei Asaka, elle avait appelé sa fille « Nana ».

L’écriture et sa fille la rendaient pleinement heureuse, loin de Rei.


Et voici que l’on s’était intéressée de trop près à sa biographie, et que l’on avait découvert que pendant dix-sept ans, elle avait été Rei Asaka. On lui avait donc demandé de participer à différentes conférences dédiées à ses écrits qui avaient été abondamment traduits et lus au Japon. Un autre écrivain y aurait vu un honneur. Un écrivain plus narcissique une consécration. Frédérique n’y voyait qu’une rencontre avec celle qu’elle s’était efforcée d’oublier : Rei Asaka.
Pire ! Comme elle n’était pas morte, elle avait droit à une part de l’héritage de son père. Elle devrait donc rester au Japon pour des démarches qui promettaient d’être beaucoup trop longues à son goût.


A présent, elle pénétrait dans le hall de l’aéroport. Elle entendit une jeune femme lui souhaiter la bienvenue en japonais. Elle voulut lui répondre dans sa langue maternelle. Des mots que Rei Asaka auraient pu prononcer. Des mots qui refusèrent d’être prononcés.

Elle dut répondre en français. La jeune femme enchaina en lui expliquant différentes choses auxquelles Rei ne prêtait plus attention. Elle comprit simplement l’essentiel : on lui avait réservé une suite dans un hôtel luxueux. Une séance de dédicaces était prévue le lendemain matin, et une conférence l’après-midi dans une salle dont le nom lui fit froid dans le dos : le palais de la Rose.

Il lui sembla que les démons de Rei l’avaient patiemment attendue, certains que Frédérique ne pourrait continuer de traiter Rei comme une étrangère qui l’habitait pendant qu’elle écrivait et qu’elle s’efforçait de chasser le reste du temps. Frédérique devait apprendre que Rei était présente en elle à d’autres moments, à son insu. Les démons de Rei étaient décidés à lui ouvrir les yeux. Il était temps pour Rei de se regarder enfin en face.


A suivre
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Message par LaLy Ven 11 Jan - 16:52

CHAPITRE 2

« Le palais de la Rose », ce nom passait et repassait inlassablement dans son esprit, comme un voyageur faisant les cent pas sur le quai en attendant un train qui ne viendrait jamais. Son corps était parcouru de petites décharges électriques à chaque nouveau passage. Elle avait peur, bien qu’elle s’en défende. Son corps se chargeait de lui rappeler la Rose, la sœur de Rei, sa sœur … Fukiko, Rei, ces deux êtres qu’elle avait voulu fuir…. Se pouvait-il que le lieu où elle devait se rendre le lendemain ait quelque chose à voir avec Fukiko ?


N’y tenant plus, elle rabattit d’un geste brusque le drap qui la couvrait. Elle l’avait compris, elle ne fermerait pas l’œil de la nuit. Elle ouvrit son ordinateur et se mit à écrire. L’ébauche d’un nouveau roman : «Retour vers la Rose. D’épine en épine ». Comme toujours, dès qu’elle fut face à son écran, son malaise déserta son cœur, pour couler le long de ses bras jusqu’à envahir ses doigts et s’évacuer dans son clavier qui inscrivait ses tourments sur son disque dur. Hors d’elle. Sur une autre mémoire, une mémoire non humaine, une mémoire qui n’était pas la sienne. Lorsqu’elle sentit le calme l’envahir, elle retourna se coucher. Elle dormit d’un sommeil sans rêve. Lorsqu’elle s’éveilla, elle se fit couler un bain. Elle y prit plaisir. Elle s’habilla. Elle choisit l’un de ses costumes de dandy qui faisait le personnage de Frédérique Delfosse, l’auteure. Celle qui paraissait en public, loin des tourments intimes de Rei.


C’est avec une désinvolture qui achevait de camper son personnage et qui rappelait celle de St Just* qu’elle pénétra dans le palais de la Rose qui effrayait tant Rei le soir avant. Avec la même désinvolture, mais sans arrogance, elle se livra à la séance de dédicace, puis prit la parole lors de la conférence. Lorsqu’elle rentra à l’hôtel, elle songea que rien n’était très différent de ce qu’elle avait connu en France. A une différence près : son auditoire avait besoin d’une traduction. On considéra qu’il s’agissait d’un petit jeu destiné à renforcer sa singularité. Personne ne se posa réellement de questions au sujet des difficultés de Rei à s’exprimer dans sa langue natale. Personne n’y trouva à redire. Après tout, ce qui fait un auteur, c’est aussi sa singularité. Il faudrait ajouter cette caractéristique aux nombres de ses particularités.


Elle exécuta les mêmes exercices dans différentes villes, toujours avec ce mélange de désinvolture et de gentillesse qui déstabilisait, toujours en français. Elle songeait que l’ébauche de roman qu’elle avait commencé le premier soir resterait à l’état d’ébauche, jusqu’à ce qu’on lui rappelle qu’elle terminerait son voyage par Osaka, sa ville natale. On lui rappela qu’elle avait promis qu’elle avait promis de répondre à toutes les questions que ses livres suscitaient, notamment celles sur la sororité sanglante et incestueuse qui était le fil conducteur de la majeure partie de son œuvre. Dans chaque ville, elle se dévoilait un peu plus, elle en livrait davantage sur ses sources d’inspiration, sa façon d’écrire. Mais, elle avait toujours éludé cette question d’un : « à Osaka ». Elle repoussait l’échéance, attisant involontairement la curiosité, pour le plus grand bonheur de l’attachée de presse, qui entendait faire d’Osaka un grand coup médiatique.


Osaka ... la prochaine et dernière étape… l’attachée de presse venait de la lui rappeler, en précisant qu’elle avait promit que lorsqu’elle se trouverait dans sa ville natale, Frédérique Delfosse redeviendrait Rei Asaka en s’exprimant dans sa langue maternelle. A peine l’attachée de presse avait-elle acheva sa phrase que Rei ressentit à nouveau de petites décharges électriques parcourir son corps. Sa vue se brouilla. Le sol, infidèle, se déroba. Elle s’évanouit. Elle fut conduite à l’hôpital. On l’examina. Bien vite, on rassura l’attachée de presse : oui, oui, elle pourrait continuer séances de dédicaces et conférences, à condition qu’elle prenne quelques jours de repos. Après quelques instants de réflexion, l’attachée de presse se dit qu’il fallait entourer de mystère les raisons pour lesquelles « Osaka » était repoussé tout en assurant que bien que différé de quelques jours, « Osaka » était maintenue et que l’auteure y tiendrait toutes ses promesses. Le médecin aurait bien ajouté que ce genre de malaise pouvait avoir une autre cause que l’excès de fatigue : un choc émotionnel, et que dans ce cas, il convenait de faire preuve de prudence. Il avait jugé la précision inutile, songeant qu’une jeune femme à la plume couronnée de succès retournant dans son pays pour le partager avec ses compatriotes ne pouvait entrer dans la catégorie « choc émotionnel » : elle ne pouvait qu’être heureuse !


Rei accepta de prendre quelques jours de repos, à une condition : ne révéler à personne où elle se rendait. Elle promit qu’elle serait à Osaka le jour prévu. Comme elle l’avait fait jusque-là, elle respecterait ses engagements professionnels.
Elle ne dit pas qu’elle avait décidé de se rendre à Osaka de façon anonyme. Elle se félicita intérieurement d’avoir « choisi » l’écriture : si elle avait connu la célébrité par la musique, son visage serait trop connu pour lui permettre ce genre d’escapade. Loin des dispositifs la présentant comme l’auteur à succès Frédérique Delfosse, elle pouvait sans difficulté se fondre dans la foule dont le flot d’anonymat protège en noyant la singularité de l’identité.



*****

Elle avait élu domicile dans un petit hôtel sans prétention, et se promenait dans les rues avec un sentiment étrange. Les lieux lui étaient suffisamment familiers pour qu’elle les reconnaisse, mais elle avait le sentiment de les contempler derrière une vitre, comme s’ils avaient peuplé la vie d’une autre, d’une intime étrangère dont l’enfance et l’adolescence auraient eu cette ville pour décor. Ses yeux passaient sur des lieux connus, mais rien y attachait son coeur. A la fois proche et lointaine de ce qui l'entourait, Rei laissait ses pas dériver selon le bon vouloir des rues.

Elle avait voulu se rendre à Osaka pour se préparer à affronter cette ville, certaine que la confrontation serait douloureuse. Elle se rendait compte que la douleur n’était pas au rendez-vous. Ne restait qu’un sentiment de vide qui lui donnait l’impression d’ancrer ses pas dans le néant. Elle s’était surprise à penser qu’elle aurait préféré une douleur vive à cette vacuité. Elle la traînait lentement, en espérant qu’elle se dissipe, tout en se laissant entrainer par elle.


Soudain la vitre se brisa !


Elle venait d’apercevoir une enseigne : « les gâteaux de Nanako ». Se pouvait-il que la jeune fille au cœur si pur qui lui avait voué une réelle affection soit propriétaire de ce salon de thé ? Un léger sourire s’ébaucha sur les lèvres de Rei : Nanako avait toujours été très douée pour la cuisine. Elle se souvint des sandwichs que la jeune fille lui avait préparés pendant qu’elle était malade. Nanako les avait déposés sur sa porte. Et, jamais elle n’avait su que le soir elle les avait découverts et les avait appréciés.

Elle devait la remercier pour son geste, même des années après, même si cela n’avait plus d’importance. Elle poussa la porte. Elle n’eut pas le temps d’achever d’entrer dans le salon de thé qu’elle vit une jeune femme porter la main sur son cœur, surprise, en s’écriant : « St-Just –sama ! ».

La vue de Rei se brouilla.


A suivre….
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Message par LaLy Ven 11 Jan - 16:53

CHAPITRE 3

Elle sentit des bras la soutenir et l’aider à marcher vers un siège. Elle entendit la voix de Nanako lui dire qu’elle revenait, très vite, avec un thé accompagné de pâtisseries, et ajouter que, comme par le passé, elle avait dû oublier de se nourrir. La tête lui tournait, le décor semblait danser devant ses yeux, son souffle se faisait plus court, mais elle ne s’évanouit pas. Pas cette fois. La sollicitude de Nanako l’avait ramené à elle-même : Nanako était parvenue à la faire sourire intérieurement, à se moquer d'elle-même. Elle songea que Nanako n'avait pas tort : elle ne se souvenait pas avoir déjeuné, pas plus qu'elle n'avait pris de petit-déjeuner. Sans le savoir, nanako devinait souvent juste. Et sa gentillesse ne faisait jamais défaut.


Des images du passé ressurgirent. Nanako la soignant, après son rendez-vous sous l’orme*. Elle sourit avec douceur : la jeune fille avait un cœur d’or. Elle n’avait jamais rencontré un être aussi adorable que Nanako. Un être dont la bonté faisait à la fois sa force et son charme. A la façon dont elle avait réagi, les années qui avaient fait de la jeune fille une femme ne semblaient pas avoir changé son attention aux autres. Son cœur était toujours celui de la jeune fille qui avait pris soin d’elle après sa station prolongée sous l’orme.


Alors que son esprit allait revenir sur ce le rendez-vous que lui avait donné Fukiko, alors que son cœur commençait à se serrer, alors que le souffle commençait à lui manquer, alors qu’elle se sentait à nouveau prête à être happée par la ronde folle et terrifiante des souvenirs, alors qu’elle se sentait perdue sans son ordinateur sur lequel déverser le trouble qui l’animait, Nanako revint, un plateau à la main, un sourire rassurant aux lèvres, semblant lui promettre un havre de bonté. Comme toujours.


Elle rendit son sourire à Nanako. Avec elle, même loin de son ordinateur, elle n’était pas perdue en présence de Rei. Curieusement, en écoutant Nanako lui parler de son mari, de ses enfants, de ses deux dernières années à Seiran, elle pouvait supporter Rei qui avait fréquenté ce même établissement. Elle en avait moins peur. Comme si Nanako avait le pouvoir de désenvoûter ce qui pour elle avait été un lieu maléfique. Elle lui était reconnaissante d’avoir le tact de ne pas la presser de questions sur les circonstances de sa disparation. Elle voulut rendre un peu de sa gentillesse à Nanak. Elle ne trouva qu’un moyen un peu trop plat à son goût : elle la complimenta pour son thé et ses gâteaux.


Surprise, Nanako se leva d’un bond, comme si les paroles qu’elle venait d’entendre l’avaient piquée. Elle se dirigea rapidement vers la porte, la ferma, et indiqua que le salon était exceptionnellement fermé. Elle revint à la table et accepta les compliments de bonne grâce, avant de servir une autre tasse de thé à celle qu’elle n’osait plus nommer.
Devait-elle l’appeler « St-Just » ; « Rei » ; « Frédérique » ? Elle l’ignorait et ne parvenait pas à se décider à lui poser la question : Frédérique avait parue sur le point de s’évanouir lorsqu’elle avait entendu l’ancien surnom qu’on lui donnait à Seiran. Elle s’apprêtait à reprendre le bavardage sans importance sur ses deux dernières années au lycée, les années durant lesquelles Rei n’était plus là, lorsque son vis-à-vis commença à lui poser des questions qui ne pouvaient être éludées et qui promettaient d’être embarrassantes.


«Qu’est devenu Tomoko ?
- Elle est mariée, a deux fils, et elle s’occupe du salon avec moi. Elle est toujours une cuisinière hors pair. Et vous ? A part écrire, qu’avez-vous fait ?
- J’ai joué du piano et j’ai une petite fille»


Rei eut envie de confier qu’elle avait songé à prénommer sa fille « Nanako », en souvenir de la bonté de la jeune fille. Parce qu’elle considérait Nanako comme sa fille comme des cadeaux de la vie. Elle décida de se taire : elle était certaine qu’une telle confidence aurait mis Nanako mal à l’aise. Elle fit donc une autre réponse.


« Et Mariko ? Qu’est-elle devenue ?»


Nanako hésita à répondre. Comment lui dire que Mariko était devenue sa belle sœur ? Elle avait épousé le demi-frère de Rei, le frère de Fukiko. Nanako ne voulait pas être celle qui rouvrirait la plaie de la relation entre les deux sœurs. Elle préféra donc ne répondre qu’à une partie de la question.


« Et bien, c’est amusant. Elle a monté une entreprise de cosmétiques pour adolescentes»


En se souvenant des ruses employées par Mariko pour déjouer le règlement du lycée interdisant tout maquillage**, Rei rit de bon cœur. C’était bien de Mariko ! Qui plus est, elle avait assez de caractère pour mener à bien n’importe quel projet.


« Ce n’est tout de même pas les produits ‘’petit chat’’ ?***
- Si.
- Quand je pense que ma fille veut absolument que je lui achète un gloss de cette marque… Vraiment très amusant ! Je suis contente de son succès.
- Elle l’est également. Elle est fière d’être parvenue à montrer une entreprise qui exporte autant à l’étranger.
- Elle est donc devenue plus riche qu’elle l’était avant le divorce de ses parents. Ça ne m’étonne pas d’elle… Et Kaoru ? Plusieurs fois, j’ai voulu lui écrire, et puis j’ai préféré ne pas le faire. Elle me croyait morte et…».


Nanako blanchît.

Pour se donner une contenance et le temps de réfléchir, elle répondit qu’elle retournait préparer du thé. Comment dire à Rei que, contrairement à elle, Kaoru était réellement décédée ? La volonté de la jeune femme et l’amour de son mari étaient demeurés impuissants face au cancer …. Devait-elle lui parler de la douleur qui avait déchiré Kaoru à la disparition de Rei ? Lui dire qu’ avant son départ pour l’Allemagne, la jeune femme venait pleurer tous les jours sur la tombe de son amie ? Non bien sûr que non…


Nanako revint à nouveau munie d’une théière pleine. Elle servit le thé lentement. En silence. Pour préserver encore quelques secondes Rei d’une nouvelle qui ne pouvait que la bouleverser. Rei regardait le thé emplir peu à peu sa tasse. Elle s’abîma dans la contemplation de sa cuillère. Une charmante feuille sur laquelle les nervures étaient représentées à la perfection.

Elle avait sentit que l’observation de ce liquide en train d’être versé et l’examen scrupuleux de sa cuillère étaient les derniers instants de paix. Nanako paraissait nerveuse. Sans doute hésitait-elle à lui annoncer une mauvaise nouvelle ? …

Oui, bien sûr, Nanako craignait de la blesser… Elle savait à présent que la vie avait mal tourné pour son amie. Il fallait mettre un terme au malaise dans lequel elle avait plongé Nanako. Elle l’avait bien trop malmenée par le passé. Et surtout, elle voulait savoir ! Le silence lui devenait insupportable ! Qu’importait ce qu’allait lui apprendre Nanako ! L’attente semblait pire que la nouvelle elle-même ! Ne savait-elle pas déjà qu’elle serait mauvaise ? A quoi bon attendre ?! Peut-être pouvait-elle aider son amie, comme cette dernière l’avait fait pour Rei lorsqu’elles étaient plus jeunes ?


«Ne craignez pas de me blesser. J’ai compris. Il est arrivé malheur à Kaoru , n’est-ce pas ? Il est préférable de me le dire. Peut-être suis-je en mesure de l’aider ?»


La main de Nanako trembla. Elle posa la théière, s’assit, et, la gorge nouée, elle s’efforça de répondre aussi directement que le lui demandait Rei.


«On ne peut plus rien faire pour elle… Elle est… elle est … morte… »


Les yeux de Rei s’équarquillèrent, avant de laisser des larmes muettes s’échapper. Des larmes que Rei ne sentit pas couleur le long de ses joues.



A suivre…

*****
* Pour ceux qui ne connaissent pas TCF, il est ici utile de savoir que Fukiko a pris un malin plaisir à donner rendez-vous à Rei sous un arbre dans leur lycée, certaine qu’il allait pleuvoir à verse et que sa sœur resterait à attendre sous une pluie battante. Rei est tombée malade et Nanako l’a soignée.
** Pour ceux qui ne connaissent pas TCF, il est utile de savoir que Mariko avait pour habitude de se vernir les pouces et de se mordre les lèvres pour les rendre plus rouges.
*** Pour ceux qui ne connaissent pas TCF, il est utile de savoir que les élèves plus âgées appelaient Mariko ‘’petit chat’’.

LaLy
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Message par LaLy Ven 11 Jan - 16:54

CHAPITRE 4

«Elle ne saura jamais … » murmura Rei en songeant à « K., vers ma lumière », un livre au succès assez confidentiel dans lequel elle décrivait comment Kaoru l’avait épaulée. Elle le lui avait dédiée par une phrase que seuls quelques initiés étaient en mesure de comprendre : «A K. ces lignes se veulent le témoin de mon amitié et de ma reconnaissance. Elle seule sait l’ampleur de ce que je lui dois».


Perdue en elle-même, Rei n’entendait plus les paroles de Nanako.


«St-Just-sama, je ne connais pas assez bien le français pour comprendre. Vous parlez trop vite !»


Rei poursuivait son monologue : «Je la pensais indestructible. J’étais persuadée que rien ne pourrait jamais l’abattre, certainement pas la maladie. Elle aimait tant la vie. Elle respectait tant la vie. C’est injuste que la vie ne l’ait pas respectée autant qu’elle la respectait !! Si une des deux devait mourir, c’était moi qui, longtemps, n’ait témoigné aucun respect envers la vie. Pas elle ! Pas elle ! … J’aurais dû être là, près d’elle, comme elle se tenait à mes côtés pour m’éviter de tomber… Je n’ai su que fuir… je n’ai pensé qu’à me sauver, égoïstement… j’ai reproché à la terre entière son indifférence envers ma souffrance, quelle idiote ! Quel égocentrisme ! Quelle arrogance dans mon désespoir ! Quel orgueil d’oser réclamer secrètement une main tendue ! Alors qu’elle existait, était solide et bienveillante, et que je n’ai su que l’ignorer. Pire ! Je lui ai tourné le dos, comme si je la reniais… Elle ne saura jamais à quel point le souvenir de ses paroles m’a secourue… Je l’ai compris trop tard. Je n’ai plus osé écrire, essayer de la contacter… Je me suis contentée d’écrire pour elle… Ce n’est pas d’inutiles petits signes sur de ridicules feuilles de papier dont elle avait besoin, c’était d’une amitié présente, pas littéraire… ».


«Vous parlez trop vite !!! Je ne comprends pas !!!! » hurla Nanako.


Les cris de Nanako donnèrent à Rei le sentiment d’avoir reçu une gifle. Elle regarda la jeune femme, sans saisir ce qui la faisait hurler de cette façon. Nanako répéta à nouveau : «je ne connais pas assez bien le français pour comprendre. Vous parlez trop vite !».

Rei prit conscience qu’elle s’était à nouveau exprimée en français. Elle devait traduire l’essentiel pour Nanako. Elle ouvrit la bouche. Aucun son n’en sortit. Elle sortit un crayon et chercha un support sur lequel écrire. Elle ne vit que la carte. Elle s’en saisit d’un geste vif et griffonna en japonais, aussi vite qu’elle pu. Comme si elle voulait prendre sa conscience de court. Comme si sa conscience devait ignorer que Frédérique faisait part des sentiments de Rei dans sa langue natale de cette dernière.


Nanako déchiffra avec peine ce que son vis-à-vis venait d’écrire. Sa calligraphie semblait secouée de spasmes visant à rendre incompréhensibles les signes tracés. Nanako dut faire un effort pour saisir le sens général : en plus de la peine que lui causait l’annonce de la mort de Kaoru, Rei se sentait coupable.

Que devait-elle faire ? Que dire devant une telle détresse ? Nanako trouva à nouveau Rei bien trop compliquée pour elle. Etait-elle incapable de se contenter de pleurer la disparition de son amie ? Etait-il utile de se mortifier pour quelque chose qui ne pouvait être changé ? Rei n’avait-elle donc pas compris que la vie réserve parfois des rendez-vous manqués sur lesquels il est préférable de ne pas trop s’appesantir ? Pourquoi était-elle incapable de ne pas ajouter de la douleur à la douleur ? Pourquoi ce besoin de se faire souffrir davantage ? Et par ce bais de s’ingénier à compliquer la vie de son entourage ? Nanako songea que Rei demeurerait sans doute une énigme qu’elle ne parviendrait jamais à résoudre. Cependant, ce mystère ne dispensait pas Nanako d’aider Rei à surmonter la perte de son amie.


«Souhaitez-vous vous rendre sur sa tombe ? Ainsi, vous pourriez lui faire part de ce que vous ressentez ».


Rei opina. Sans ajouter un mot, elle se leva. Nanako comprit qu’il s’agissait d’une façon de lui demander de la conduire où reposait le corps de son amie. Elle défit rapidement son tablier, attrapa son manteau et son sac à la hâte. Alors qu’elles cheminaient en silence vers le cimetière, Rei dit à Nanako qu’elle devait faire un détour par son hôtel.


Arrivée devant la tombe, Nanako dit à Rei qu’il lui semblait plus correct de les laisser en tête-à-tête. Rei acquiesça. Nanako s’éloigna. Se souvenant de Kaoru hurlant de douleur face à la mort de Rei, et des réactions violentes que cette dernière pouvait avoir, elle tourna la tête, avec inquiétude. Le spectacle qui s’offrait à elle la laissa pantoise. Rei s’était allongée sur la pierre tombale, comme si elle tenait Kaoru dans ses bras. Comme si elle voulait lui communiquer la chaleur de sa propre vie, afin de la ramener vers les vivants. Se pouvait-il que Rei ait décidé de troquer sa vie contre celle de Kaoru ? Non, Nanako n’osait pas formuler l’idée qui tentait de se frayer un chemin dans son esprit ! Non, ce n’était pas possible, Rei était autre à présent. Elle était arrimée à la vie par de solide attache : sa fille et son métier.

Elle se souvint que Rei avait tenu repasser à son hôtel. Qu’y avait-elle pris ? La vison du large bracelet qui dissimulait la cicatrice de son poignet, comme le faisait jadis un autre bracelet, lui revint en mémoire. Nanako eut un doute : Rei était capable de bien des outrances. A l’orée de l’adolescence, n’avait-elle pas accepté de donner sa vie pour sceller son amour pour sa sœur ? Pendant la période où elle avait côtoyé Rei, Nanako voyait dans ce geste une sorte d’abnégation passionnée qui auréolait St Just d’une aura romantique. A présent, elle le considérait comme une stupidité d’adolescentes exaltées. Se pouvait-il que Rei soit encore capable de ce genre de folie ? A son âge ?!

Bourrelée de doutes, Nanako retourna vivement sur ses pas. Lorsqu’elle arriva à la hauteur de la tombe sur laquelle Rei était allongée, Nanako entendit Rei s’adresser à Kaoru, comme si elle chuchotait à son oreille. Le débit de la voix de Rei donna à Nanako un sentiment d’étrangeté. On avait le sentiment qu’elle lisait !

Nanako s’approcha davantage. Perplexe, elle contempla Rei dont une main maintenait un livre ouvert au milieu, en train de lire à voix basse. Elle voulut se reculer. Un gravier crissa sous sa semelle. Rei leva les yeux. En apercevant Nanako, elle comprit. Ses yeux tombèrent sur la cicatrice que son bracelet laissait entrevoir. Elle se releva, adressa à Nanako un sourire où la tendresse se mêlait à une pointe de tristesse, avant de lui dire : «Rassurez-vous, c’est fini tout ça. Parti dans les couloirs du temps… Je devais lui indiquer le passage qui est pour moi le plus important. Vous avez raison, il est temps de partir. Je vais laisser le livre à Kaoru. De cette façon, elle pourra le lire à sa guise. A présent, elle sait… ».


Nanako cligna des paupières, sans un mot, songeant que l’étrangeté du comportement de Rei était tout à fait capable de remonter les couloirs du temps, quoi que l’intéressée veuille en penser…



A suivre...
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Message par LaLy Ven 11 Jan - 16:55

CHAPITRE 5

La suite du comportement de Rei laissa Nanako tout aussi interloquée. Elle s’écria : « Il faut que j’y remédie ! Et pour cela, il faut que je le retrouve ! ». Elle accéléra le pas, Nanako sur ses talons, peinant à suivre cette marche frénétique vers une destination inconnue.


«St-Just-sama, où allez-vous ? .. Ralentissez ! Vous allez trop vite ! » répéta la jeune femme, à plusieurs reprises, en alternant français et japonais, le souffle court.

En vain.

Seul l’écho syncopé et rapide des pas claquant sur le bitume répondait. Il semblait même à Nanako que plus elle demandait à Rei de ralentir, plus elle lui demandait où elle allait, plus le rythme d’accélérait et plus le mutisme de St-Just se renforçait.

Comme à l’époque où elle était élève à Seiran, Rei semblait posséder par une force étrangère à elle-même, étrangère à tout ce qui l’entourait. A nouveau, elle semblait appartenir à ce puissant génie qui la coupait du monde et lui conférait cette aura si particulière. Comme si elle appartenait à un autre monde. A un monde invisible qui ne faisait sens que pour elle.


Soudain Nanako reconnut l’immeuble où pénétrait Rei, en trombe. St-Just entrait au n°1 de la Maison de l’Etoile, le lieu où elle habitait jadis. Nanako hésita à la suivre, craignant subitement de se montrer intrusive.

D’ailleurs, pour quelle raison suivait-elle Rei ? Elle ne le lui avait pas demandé. Elle marqua un temps d’arrêt pendant que Rei attendait l’ascenseur en songeant que si Rei ne lui avait pas demandé de la suivre, elle ne lui avait pas non plus dit au revoir. Nanako eut le sentiment que pour Rei sa présence ne faisait pas question, comme s’il s’agissait d’une évidence.


Elle s’avança donc vers l’ascenseur. Les portes s’ouvrirent. Les deux jeunes femmes y entrèrent en silence, Rei les yeux tournés vers ce monde connu d’elle seule, Nanako le regard rivé sur son vis-à-vis. Alors que l’ascenseur s’ouvrait à nouveau pour les laisser face au couloir, Nanako songea que l’appartement de Rei abritait sans doute d’autres habitants. Elle voulut le dire à Rei.

Cette dernière ne lui en laissa pas le temps. Elle venait de jaillir de l’ascenseur tel un diable de sa boîte pour fondre vers la porte qui avait été la sienne des années auparavant. Nanako pensa que trouver porte close sortirait Rei de sa transe.

A la grande surprise de Nanako, Rei tourna la poignée, et la porte s’ouvrit. Sur une pièce obscure, dont les volets étaient clos. Rei tendit la main vers l’interrupteur, machinalement, comme si elle vivait toujours dans cet appartement.

Aucune lumière ne s’alluma. Rei sourit, presque malgré elle. Bien sûr, la lumière ne fonctionnait plus depuis longtemps… Dans son souvenir, les ampoules avaient claqué les unes après les autres, quelques mois après qu’elle ait emménagé. Elle n’avait jamais pris la peine de les changer. Si elle voulait de la lumière, elle ouvrait les volets. Dans la journée, la lumière du jour l’éclairait. La nuit, c’était le réverbère de la rue qui lui servait de lampe.

Elle traversa la pièce d’un pas vif, et ouvrit les volets.

Nanako porta la main sur son cœur, laissant échapper un « Oh ! » d’exclamation. Rien n’avait changé. Les miroirs, le lit, le tapis, le téléphone, la table… Tout était là, comme du temps où Rei y vivait. Alors que Nanako se demandait comment une telle chose était possible, Rei examinait frénétiquement le contenu de son ancienne penderie, à laquelle ne manquait aucun de ses anciens vêtements. Elle ne réagit même pas devant le caractère surprenant voire incongru de cette permanence dans le temps. Elle cherchait. Rien d’autre ne comptait.


Soudain, la frénésie prit fin. Rei revint vers la table, un petit carnet noir* à la main. Avec un calme qui contrastait avec l’agitation dont elle venait de faire preuve, elle l’ouvrit à la première page et commença à lire patiemment, sans manifester aucune émotion apparente. Nanako reconnut ce qui avait été l’écriture de Rei lorsqu’elle l’avait connue à Seiran.

Intriguée, et vaguement inquiète pour son amie qui semblait presque se recueillir devant cette relique du passé, elle oublia son tact, s'approcha et lut par-dessus l'épaule de Rei. Les yeux de Nanako s’écarquillèrent de stupeur, puis de frayeur : comment Rei pouvait-elle demeurer aussi stoïque devant ses propres lignes ? Devant ses propres larmes d’encre, qui, jadis, avaient roulé si abondamment sur le papier ?**


Nanako fit quelques pas en arrière. Ces lignes recèlaient une douleur bien trop noire à son goût. Un douleur entêtante, qui retournait aussi bien l'âme que l'estomac. Il lui semblait que les mots de Rei dansaient encore devant ses yeux, dans son crâne, jusqu’à se confondre, jusqu’à lui donner le tournis. A tel point qu’elle dut se raccrocher à la table pour ne pas tomber.

Lointaine, Rei posa sur elle un regard absent. Puis, elle lui tendit le carnet en ajoutant : « Tenez, ainsi vous verrez mieux », en français, en prenant soin de parler lentement et de prononcer distinctement chaque mot.

Nanako repoussa le carnet loin d’elle. Non, elle ne voulait pas en savoir davantage, en lire davantage ! Elle ne voulait plus être la complice de la souffrance dans laquelle Rei se complaisait ! Elle avait poussé le carnet avec tellement de force qu’il tomba à terre.

Rei le regarda choir. Puis, lentement, elle se leva, toujours lointaine, toujours absente, comme si elle s’était absentée d’elle-même pour aller se réfugier dans un lieu auquel elle seule avait accès. Elle le prit à la main, le referma soigneusement. Le caressa tendrement. Puis, avec un sourire étrangement doux, comme ceux qu’ont parfois les êtres que la folie a fait siens, elle regarda Nanako qui prit peur.

Décidément, Rei n’était pas un être fascinant, mais un être effrayant. Jamais, elle ne parviendrait à la comprendre. Elle en était à se dire que Rei faisait partie de ces êtres toxiques qui ne savent que distiller autour d’eux le venin de leur douleur égoïste, lorsque Rei lui parla. D’une voix parfaitement posé. Avec un regard très lucide, dans lequel une lueur de moquerie s’était allumée.

« Je vous ai dit que j’avais laissé tout cela derrière moi. Et c’est le cas. Ne vous inquiétez. Je vous assure. Je vous ai effrayé, je vous demande de m’en excuser. Il m’arrive parfois d’être encore aussi impulsive que je pouvais l’être lorsque vous m’avez connue. J’ai besoin de ce carnet, car je dois le faire lire à … à quelqu’un. En le retrouvant, j’ai été très émue, car j’ai songé que lorsque j’ai commencé à noircir ces pages, j’avais fait, sans le savoir, le premier pas sur le chemin de ce qui serait une nouvelle vie. J’avais commencé à pousser la porte vers l’autre que j’allais devenir … J’avais commencé à essayer de m’appartenir… Comme me l’avait si souvent conseillé Kaoru … Et, il est toujours émouvant pour quelqu’un dont la profession est l’écriture de retrouver ses premiers écrits. C’est ce qui vient de m’arriver. J’étais en train de me demander si ces textes ne pouvaient pas être incorporés dans le livre que j’écris actuellement».

Rei tendit à nouveau le carnet à Nanako. Elle détourna la tête en signe de refus.

«Ces pages vous font peur, n’est-ce pas ? Il n’y a aucune raison, voyons. Au contraire, ces premières lignes ont sans doute été la bouée qui m’a permis de…. Oh mon Dieu !!!!»

Pendant qu’elle parlait, Rei tournait les pages et s’était arrêtée sur un passage en particulier :
«’’L'oeil était dans la tombe et regardait Caïn."

Victor Hugo, La Légende des Siècles


Pourquoi ces yeux réprobateurs, petite poupée? Dans ma prison de reflets, ton air fâché se multplie à l'infini, implacable, oppressant.
S'il te plaît, ne me gronde pas. Je sais que je ne suis pas une gentille fille, mais je suis si triste parfois.
Sur tes genoux, pose ma tête et berce-moi. Dans ton giron, efface mes peines et réchauffe mon coeur.

Dis-moi que tu me pardonnes, ton regard est si dur.
Je ne sais pas ce que j'ai fait de mal, mais je serais sage, petite poupée, je ne te désobéirais plus.

Mais garde-moi juste un peu entre tes bras, enveloppée dans ton amour... Je serais sage... Garde-moi juste... pour toujours... »***


Elle voulait le lire à haute voix à Nanako, car elle lui avait confié la poupée dont elle parlé, cette poupée qui avait alors tant d’importance à ses yeux.

En promenant à nouveau ses yeux sur le texte, Rei venait d’apercevoir un passage qui n’était pas de sa main. Ecrit rageusement, il s’agissait d’un reproche, d’un cri étonnant : « Où est-elle, Rei ? Je te l’avais confiée ?! As-tu détruit aussi ce lien qui devait nous unir par-delà tout ?! Qu’en as-tu fait, Rei ?!!! Qu’as-tu fait du symbole de mon amour ?!!!! Je t’aimais petite sœur !!!! Je t’aimais !!! Comment vivre sans toi aujourd’hui ? Tout ce que j’ai fait jusque-là, je l’avais fait pour que tu le contemples, pour que tu m’admires. Sans ton regard, je n’existe pas. Sans ton amour, je n’existe plus… ».


Rei se pinça les lèvres pour se donner une contenance face à Nanako. Elle avait conscience d’être considérée par cette jeune femme posée comme un être sur lesquelles règnent les fées. Elle ne voulait pas la conforter davantage dans cette voie. Elle n’était pas folle : elle permettait seulement à Rei de s’exprimer de temps à autre. La découverte de la mort de Kaoru avait rendu Rei un peu trop loquace au goût de Frédérique. Elle jugea donc préférable de la faire taire pendant le temps que Frédérique passerait en compagnie de Nanako. Il serait temps de réveiller Rei le lendemain. Le lendemain où Rei aurait tant à faire …

A SUIVRE….

************
* Je m’inspire de la fic « Echos » de Mariko Shinobu (la créatrice du site et du blog TCF), avec son accord.
** Voici un lien vers la fic de Mariko (dont le pseudo est ray sur excess) : http://royaumedelarose.free.fr/storyline/story.php?no=848 . Pour comprendre ce que j’écris, il est préférable de la lire. Les chapitres sont souvent très courts. Et très beaux.
*** Je cite ici le chapitre 6 intitulé « Ma Chérie la poupée ».
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Message par LaLy Ven 11 Jan - 16:56

CHAPITRE 6

Frédérique sortait de la salle de bains, les cheveux encore humides. Avant de prendre un bain, elle avait appelé sa fille. La fillette lui avait demandé quand elle rentrait. « Bientôt », c’est tout ce qu’elle était parvenue à répondre. Nana lui manquait. Elle l’aurait voulu près d’elle, avec elle. Elle savait la chose impossible. Jamais Rei ne devrait paraître devant Nana. Pour elle, elle devait être Frédérique, sa mère. Elle ne devait être qu’une source d’amour, une source de stabilité. Elle ne pouvait pas se permettre de transmettre à la petite fille les tourments de Rei. Elle s’était promis de la préserver de Rei. Frédérique était fidèle à sa promesse, même si la fillette souffrait de l’absence, même si elle-même souffrait de la séparation. Cette situation était préférable à la rencontre imprévue entre Rei et Nana qui aurait pu se produire si la fillette avait accompagné sa mère.

Frédérique savait tout cela. Pourtant, la voix de sa fille contenant tant bien que mal ses larmes avant de raccrocher lui donnait le sentiment de mal se conduire envers Nana, de ne pas faire ce qu’une mère normale devrait faire.

« Une mère normale » …

Frédérique se moqua d’elle-même. Elle était incapable d’être une mère normale. Une mère comme les autres. Une mère qui fait de la pâtisserie pour la kermesse de l’école, qui va chercher à la sortie de l’école, qui écoute patiemment les petits riens du quotidien enfantins. Elle était trop prise par sa vie littéraire, par l’écriture. Pour séparer l’écrivain et la mère, Frédérique avait arrêté d’écrire chez elle. Elle avait loué un studio à deux pâtés de maison de son appartement. Il lui servait de bureau.

« De bureau »…

A nouveau, elle se moqua d’elle-même. Elle parlait parfois comme si elle menait une activité réglée et programmée. Elle essayait de se faire un planning qu’elle ne tenait jamais : l’inspiration était capricieuse et avait la fâcheuse manie de déserter lorsqu’elle tentant de la contraindre. Non, ce lieu n’était pas un bureau, c’était le repère de son imaginaire. Le lieu où elle pouvait le laisser s’exprimer à sa guise, à brides abattues. Comme un cheval fou. Elle pouvait permettre à Rei de réapparaître pour donner à son travail ce grain d’étrangeté, cette patine de légère folie qui font sa marque de fabrique.

Elle voulut mettre fin à sa culpabilité maternelle et ouvrit son ordinateur pour écrire. Rien ne venait. Les événements de la journée formaient en elle une boulue qui bloquait toute inspiration. Une lutte imaginaire s’engagea entre elle et le curseur. Il semblait la narguer, lui lançant : « Alors, rien ? Même pas une petite ligne ? Allez, tu peux faire mieux que ça ! Non ? Es-tu écrivain ou ne l’es-tu pas ? ».
*
« La paix à la fin ! Je suis… je suis… je suis… Rei !!!! Je suis Rei !!! Rei Asaka ! Je suis Rei Asaka !!! » s’écria-t-elle, la tête entre les mains.


Elle repoussa violemment son portable, loin d’elle. Comme s’il avait le pouvoir de l’agresser, de la blesser. Elle se dirigea vivement vers la fenêtre et l’ouvrit à toute volée. De l’air ! Elle avait besoin d’air !
L’air entra, caressa ses cheveux, enveloppa tout son être. Elle ne se sentait pas mieux. Vaguement et irrationnellement déçue, elle referma la fenêtre. Non, elle le savait, ce n’était pas d’air qu’elle avait besoin. Mais de la voir, elle, sa sœur. Tant qu’elle ne lui aurait pas parlé, tant qu’elle ne l’aurait pas vue, rien ne serait possible. Elle regarda l’heure. Oui, l’heure était encore suffisamment décentre pour appeler le notaire qui l’avait contactée. Elle lui demanda les coordonnées de Fukiko. Le vieil homme semblait hésiter. Finalement, il lui donna les coordonnées de son frère, en lui expliquant que c’était préférable.

Rei eut soudain peur. Peur que Fukiko ait donné des instructions interdisant de donner à Rei un moyen d’entrer en contact avec elle. Après tout, n’avait-elle pas fui loin de Fukiko ? Ne l’avait-elle pas abandonnée ? Alors que Fukiko l’aimait. A présent, Rei en était certaine. Fukiko l’avait toujours aimée… du moins du temps de leur jeunesse… Le temps avait-il transformé son amour en haine pour l’aider à surmonter l’absence ?

Rei se surprit elle-même. Alors que la jeune fille qui a quitté le Japon des années auparavant aurait tenté de se faire souffrir pour prouver en silence son amour à Fukiko, comme pour expier la faute de ne pas être à la hauteur des attentes de sa sœur, la femme qu’elle était à présent composa le numéro de son frère.
Ce dernier se montra enthousiaste à l’idée de la revoir. Nettement moins à l’idée que Rei revoie Fukiko. Elle refusa de capituler et dit : « Si Fukiko refuse de me voir, laissez-lui au moins le plaisir de me mettre à la porte elle-même ». Un long blanc suivit cette phrase prononcée rageusement. Long blanc suivit des coordonnées de Fukiko. Plus exactement de son adresse : Fukiko ne prenait plus personne au téléphone depuis des années maintenant. Impossible d’en savoir plus.

Rei décida donc de se rendre à l’adresse donnée le lendemain. Il s’agissait de leur maison de campagne. Elle était en train de consulter un plan pour ne pas se tromper dans son itinéraire lorsqu’elle se leva d’un bond. S’écriant : « Mais je ne peux pas aller la voir sans la lui ramener !!! ». Puis, elle sortit en courant, sans même prendre la peine de refermer la porte de sa chambre d’hôtel. Elle passa devant un réceptionniste éberlué, sans le voir. Elle aperçut un taxi, prit, sans s’en rendre compte, son tour à une vieille dame outragée, et donna l’adresse de Nanako. Elle paya la course en donnant beaucoup trop à un chauffeur qui tenta de lui courir après pour lui rendre la monnaie. Elle sonna comme une possédée à la porte.
Nanako vint ouvrir.
Surprise, presqu’effrayée de cette intrusion brutale dans le cocon douillet de son intimité familiale. Soucieuse de demeurer polie, elle s’apprêtait malgré tout à lui dire d’entrer lorsque Rei la saisit violemment aux épaules, en lui criant : « Où est-elle ?!!! Où est-elle ?!!!! Je ne peux pas y aller sans elle !!!!
- St-Just-sama, de qui parlez-vous ?
- De ma poupée !!! Il me la faut. Je dois… je dois…
- Je l’ai conservée. Je vais vous la chercher » répondit Nanako, honteusement pressée de se débarrasser des bizarreries de St-Just.


Nanako lui tendit la poupée. Rei la prit et tourna les talons, oubliant de remercier la jeune femme. Serrant la poupée sur son cœur, comme un trésor à protéger, Rei reprit à nouveau sa course folle, mais en sens inverse. De retour à l’hôtel, elle installa sa poupée sur le lit, s’allongea à ses côtés et sourit.


A Suivre…
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Message par LaLy Ven 11 Jan - 16:57

CHAPITRE 7

Le carillon d’une sonnette, les propos concis, courtois et stylé d’un employé, des pas rendus feutrés par une moquette épaisse, sa propre main frappant à la porte devant laquelle on l’avait conduite, ces sons semblaient se mêler dans la conscience de Frédérique. Dans le silence, ils hurlaient.

Dans l’attente, d’une réaction de Fukiko, ils lui étaient insupportables. Rei avait entendu l’employé dire à Fukiko que la personne qu’elle attendait était arrivée. L’employé s’était éclipsé. Elle avait attendu devant la porte, tantôt espérant tantôt redoutant qu’elle s’ouvre. Si sa sœur l’attendait, elle ne pouvait que s’ouvrir. Cependant, elle demeurait close. La pièce derrière cette barrière semblait silencieuse, inhabitée. Rei avait donc décidé de rappeler sa présence en frappant à la porte. Seul le vide sembla l’entendre.

Hésitant sur la conduite à tenir, Frédérique posa à terre sa poupée, puis s’adossa à la porte pour mieux réfléchir. La porte s’ouvrit sous la faible pression exercée par son dos. La jeune femme fit volte-face. Légèrement entrebâillée, la porte laissait entrevoir la longue chevelure impeccable de Fukiko. Frédérique voulut entrer. Rei la retint : si sa sœur ne l’invitait pas à franchir le pas de la porte, de quel droit le ferait-elle ? Frédérique considéra un instant les réticences de Rei, avant de lui répondre à haute voix, le regard tourné vers la poupée : « Au nom d’elle ! ».

Frédérique eut un sourire, tout en pensant : « ‘’Au nom d’elle !’’. Et bien, en voilà une phrase ! On ne croirait jamais que tu as fait de l’écriture ton métier ! Quoi que… Ce n’est pas si mal trouvé. Je devrais le noter ».

Elle fouilla sa poche à la recherche de son carnet de notes habituel. À la place, elle trouva le petit carnet noir qu'elle était allée chercher dans son ancien appartement. Elle contempla ce que lui avait écrit Fukiko, saisit rapidement le stylo dans sa poche intérieure et écrivit rapidement à la suite du texte de sa sœur. Elle rangea calmement carnet et stylo, puis elle poussa enfin la porte et entra.

En franchissant le pas de la porte, elle prit soin de frapper à nouveau sur l’un des battants, afin de manifester sa présence.

Elle était entrée. Enfin, elle se trouvait dans la même pièce que sa sœur dont elle ne voyait que le dos. Sa sœur qui ressemblait à une poupée de cire tant elle demeurait immobile. N’avait-elle pas entendu Rei frapper à la porte ? Frédérique se perdit un instant dans la contemplation de l’abondante chevelure de Fukiko, dont la coiffure n’avait pas changé depuis le temps de leur adolescence. Puis, le regard de la jeune femme embrassa la tenue de sa soeur. Elle ressemblait en tout point à celles qu’elle portait lorsqu’elle fréquentait Seiran. Etait-il possible que …. ?

Frédérique sentit une vague de malaise lui mordre l’estomac. Elle en était à se demander si elle n'allait pas être prise de nausée, lorsque ses yeux s'écarquillèrent. Ils venaient de se poser sur la main droite de Fukiko. Bandée. Elle était bandée. Comme l’était celle de Rei bien des années auparavant, après l’épisode du pique à fleurs. Et si … ?

Non !!!

Frédérique gifla son imagination. Décidément, elle en avait bien trop ! Elle ou Rei ?À cet instant, peu importait. Fukiko s’était sans doute blessée. Peut-être suivait-elle un traitement anti-douleur pour cette main qui la faisait souffrir ? Peut-être s’était-elle endormie sous l’effet des médicaments ? C’était là l’explication la plus rationnelle. Frédérique décida de s’y tenir. Elle voulait repousser au loin l’irrationalité de Rei, qu’elle jugeait souvent bien trop émotive et emportée pour pouvoir envisager la vie sainement.

Frédérique se passa la langue sur les lèvres, comme elle le faisait à chaque fois qu’elle cherchait comment amorcer une conversation. Dieu sait qu’elle avait usé abondamment de ce tic au début de sa carrière, lorsqu’on la questionnait sur ce qui la motivait à écrire. Elle pensait ne plus jamais y recourir. Et voilà que le tic revenait. Qu’il revienne ! De toute façon, de dos, Fukiko ne pouvait pas voir son hésitation.

« Vous êtes-vous blessée récemment ? » demanda Frédérique. Dès qu’elle eut prononcé ces paroles, elle se réprimanda intérieurement : « Mais quelle sotte !!! Enfin ! Voyons ! On ne demande pas ce genre de choses de but en blanc !! ».

Elle se reprit.

« Bonjour, Mya-sama. C’est un plaisir de vous revoir. Je n’étais pas venue au Japon depuis longtemps. C’était une erreur. Cela nous a privé du plaisir de nous voir».

Fukiko ne réagissait toujours pas. Frédérique contourna l’ample et confortable fauteuil à oreillettes sur lequel sa sœur se trouvait. Jusqu’à lui faire face. Lorsqu’elle vit les yeux de sa sœur, Frédérique tressaillit. Rei eut envie de se jeter à ses pieds. Frédérique fit un effort pour ne pas obéir à l’impulsion de la jeune fille qu’elle avait été. Les yeux de sa sœur fixaient un point imaginaire, d’un air indifférent. L’indifférence de Fukiko était une forme d’indifférence que Frédérique ne lui connaissait pas. Auparavant, son indifférente était glacée, agressive, mordante. Aujourd’hui, elle était lointaine, évanescente. Comme si son esprit la transportait ailleurs, la rendant imperméable à tout ce qui l’entourait.

Frédérique jugea tout discours inutile. Fukiko et elle ne se trouvaient pas réellement dans la même pièce. Rien ne pourrait se passer entre elles. Pas aujourd’hui. Pas maintenant. Pas comme ça. Elle se contenta de poser, sur la table basse toute proche de Fukiko, le carnet noir ouvert à la page qui comportait sa réponse. Puis, elle se ravisa. Elle assit la poupée sur la table, et y adossa le carnet ouvert.

Frédérique se contenta de dire : « Je ne l’ai pas oubliée. Je vous l’ai rapportée. Au revoir… À bientôt, j'espère ». Puis, elle sortit, le cœur en montagnes russes. Quelle idiote ! Mais quelle idiote de n’avoir rien préparé. Qu’elle avait été stupide de se laisser guider par l’impulsivité de Rei !!! La vie n’est pas une scène où l’on peut improviser !!!

Alors que Frédérique pestait intérieurement contre elle-même, le regard de Fukiko venait de se poser sur la poupée et le carnet.



À suivre…

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Message par LaLy Ven 11 Jan - 16:58

CHAPITRE 8

Fukiko contempla longuement la poupée, penchant gracieusement la tête de côté. Le regard fixe mais doux, presqu’heureux. Le visage songeur, bien qu’il ait été difficile pour un observateur extérieur de savoir vers qui se tournaient les pensées de cette jeune femme immobile.



"Tu es donc revenue vers moi. Viens plus près…." appelait Fukiko d'une voix muette.



Elle voulait tendre la main vers les boucles châtaines pour les caresser. Elle aurait voulu presser la poupée sur son cœur. Elle n’y parvenait pas. Elle avait beau intimer l’ordre à ses bras de bouger, ils demeuraient inertes. Désespérément figés. Seuls ses yeux s’exprimaient.



Plus elle contemplait la poupée, plus elle avait le sentiment que le jouet aussi immobile qu’elle lui délivrait un message. Mais lequel ? Des bribes de souvenirs kaléidoscopiques illuminaient son esprit. Le petit carnet noir… Elle se souvenait l’avoir eu en main, avait le sentiment d’avoir écrit dessus… puis plus rien. Plus rien depuis… elle ne savait même plus combien d’années.



A nouveau, elle avait revu le fantôme de sa sœur. Elle avait eu l’impression qu’elle lui ramenait le symbole de leur affection si particulière. Elle aimait Rei. A en mourir. Au point que lorsqu’elle était morte, sa propre vie avait perdu tout sens. Sa propre vie s’en était allée avec celle de sa sœur.

Il ne fallait plus qu’elle songe à Rei, elle le savait. Le psychiatre l’avait ancré en elle. Il l’avait forcé à admettre que sa sœur ne reviendrait plus. Il n’aurait pas dû. Depuis qu’on l’avait obligé à reconnaître la mort de Rei, Fukiko ne savait plus vivre. Elle ne vivait plus. Elle survivait. Chaque matin, elle se levait, elle faisait sa toilette, elle s’habillait et se coiffait avec soin, elle s’efforçait de s’alimenter. Elle jouait la comédie de sa propre vie, comme une automate. Sans âme. Vide et seule. Sans sa sœur, son existence ne pourrait jamais être autrement. Elle savait que la folie la contemplait d’un œil envieux, qu’elle lui tendait parfois les bras. Comme lorsque cette personne avait posé devant elle la poupée et le carnet. Sans doute était-ce un domestique qui avait agi sur l’ordre du psychiatre ? Pour la confronter à … à quoi ? Etait-ce si important ? Non.

Une seule chose importait : ne pas bouger, ne pas céder à l’appel de la poupée, oublier la présence du carnet. Ne surtout pas renouer avec la douleur que lui avait infligé la mort de sa sœur, cet éclair qui l’avait déchiré au point de lui donner le sentiment que ses os avaient été brisés.



Il lui sembla entendre à nouveau des pas. Les mêmes pas que ceux de la personne qui avait apporté la poupée et le carnet. Que cette personne se dépêche et reprennent les souvenirs de sa sœur ! Qu’elle l’empêche de s’en approcher ! Qu’elle …

La porte s’était à nouveau ouverte. Le fantôme de sa sœur était revenu. Il lui parlait à nouveau. La folie venait probablement de gagner la partie, l’étreignant amoureusement dans ses bras. A quoi bon lutter à présent ? La folie avait gagné. Elle ouvrit les bras au fantôme de sa sœur. Curieusement, ce dernier hésita. Avant de venir l’étreindre.



« Je suis folle, à présent c’est certain. Et alors ? Est-ce si important ? Du moment que je t’ai retrouvé… j’étais si seule sans toi… j’ai voulu vivre où tu vivais, on m’en a empêché… je ne suis autorisée à dormir dans ton lit que le jour de ton anniversaire… Père en a décidé ainsi… A nouveau, il nous a séparé. S’il m’avait laissé faire, je t’aurais suivie… Oui, je t’aurais suivie… » murmura Fukiko



En entendant ces paroles, Rei se figea. Elle avait le sentiment d’avoir reçu une violente décharge électrique. Elle eut soudain peur de souffrir à nouveau, non pas de ses propres démons mais de ceux de sa sœur. Il lui était arrivé, depuis qu’elle avait quitté le Japon, de détester Fukiko pour ne jamais avoir répondu à ses appels muets, à ceux de son affection comme à ceux de sa détresse. Mais jamais elle n’avait songé qu’elle s’était montré cruelle envers sa sœur en lui faisant croire qu’elle était morte. Que Fukiko ait pu l’aimer à ce point, jamais Rei ne l’aurait cru. Certes, elle avait lu les lignes tracées par sa sœur sur le carnet. Mais, elle n’avait pas imaginé trouver une Fukiko incapable de vivre sans elle.



« Vous êtes tout à fait saine d’esprit, Mya-sama. Je suis de retour. J’étais partie… Je suis revenue… » chuchota Rei à l’oreille de sa sœur.



« Va-t-en !!!! Sors d’ici !!!! » hurla Fukiko en la rejetant violemment. Si violemment que Rei fut projetée au sol.

« Tu veux m’emporter ! Toi, la folie, tu veux m’emmener ! Tu m’offres une illusion ! Je ne suivrai que la véritable Rei ! Je l’attends ! je n’attends qu’elle ! Peu importe le temps qu’elle mettra ! Elle viendra me chercher le jour de ma mort. Je sais qu’elle m’accueillera. Elle sera là. Et jamais plus je n’aurais froid »



Rei contemplait sa sœur, incrédule. Que devait-elle faire ? Elle n’eut pas le temps de se le demander qu’une impulsion la fit se jeter sur sa sœur. Elle lui mordit l’oreille jusqu’au sang. Fukiko grimaça de douleur, portant les mains sur son oreille blessée. Puis, elle vit le sang sur ses mains. Craignant de comprendre ce qu’il signifiait.



« Je suis bien de retour. Mais vous êtes vivante, tout comme moi » répondit Rei à l’interrogation muette de sa sœur.



A Suivre...

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Message par LaLy Ven 11 Jan - 16:59

CHAPITRE 9

Face à l’hésitation de Fukiko, Rei poursuivit : « Je suis bien revenue, mais pas pour vous entraîner vers la mort mais vers la vie. Elle est dehors, elle vous attend… ».
Rei mit un genou à terre, et demanda : « Me ferez-vous l’honneur de m’accorder cette danse, la danse de la vie ».

Une ombre d’inquiétude fugace passa dans le regard de Fukiko : elle ne pouvait pas voir Rei devant elle lui tenir de tels propos, elle délirait, elle en était certaine, malgré le sang, malgré la morsure. Peut-être étaient-ils eux aussi le jouet de son imagination ? Ou était-ce elle qui s’était mutilée ? N’avait-elle pas vue à la clinique où elle avait été hospitalisée des malades s’automutiliser sans s’en apercevoir ? Elle en était certaine, c’était la folie qui lui tendait les bras. Puisque c’était sous les traits de sa sœur bien-aimée, elle y cèderait, y plongerait tête la première, de bond cœur, pour son plus grand bonheur. Car elle y retrouverait Rei. Elle fit signe de la tête qu’elle acceptait l’invitation.

Rei se releva, s’approcha, l’entraîna dans une valse dont la seule musique était celle de leurs cœurs. Rei avait le sentiment d’entendre battre son cœur et celui de sa sœur à l’unisson. Il lui suffisait de suivre le rythme. Elles se laissèrent entraîner par cette étrange danse, unies par une communion qu’adolescentes, elles n’avaient cru possible que dans la mort. Quelle erreur ! Rei l’avait appris au cours de son existence en France : la mort n’apporte rien, la vie si. Et c’est vers cette vie qu’elle devait entraîner Fukiko.

Cette dernière eut un sentiment de vertige. La tête lui tournait. Il fallait qu’elle s’arrête mais elle ne le voulait pas. Si elle ne continuait pas, Rei, la Rei de son imagination, la Rei de sa folie la quitterait à nouveau. Elle ne pouvait s’y résigner… L’étourdissement fut le plus fort. Elle chuta. Rei lui tendit la main, pour l’aider à se relever. Fukiko fondit sur cette main tendue : sa Rei n’était pas partie !


« Vous avez besoin d’air. Vous passez vos journées dans un mausolée. Pourquoi chercher à vous enterrer vivante, alors que dehors c’est si beau. N’ayez crainte, c’est le bonheur qui attend dehors, pas la douleur. Comme vous, longtemps j’ai craint la vie. Plus aujourd’hui. Plus depuis… »


Rei hésita. Devait-elle parler de sa vie à sa sœur ? Du fait qu’elle avait aimé ? De Nana ? De sa carrière ? Alors que Fukiko, elle, n’avait pas connu le plaisir de vivre ?


« - Depuis ? » demanda Fukiko d’une voix douce et posée


« Depuis que je l’ai donnée…. » Rei décida alors de lui parler de sa fille. Elle sortait son smartphone pour lui montrer les photos, emportée par son amour maternel. Fukiko les regarda défiler, presqu’indifférente. Puis soudain, elle jeta l’appareil à terre.


« Ainsi c’est pour elle, à cause d’elle que tu m’as abandonnée ?! Va-t-en ! Pars la retrouver ! Tu l’aimes plus que tu ne m’aimeras jamais ».


Interdite, Rei demeura figée comme une statue de glace.


« Je t’ai demandé de partir !
- Et moi, j’ai décidé de rester ! Il existe différentes formes d’amour. Celui que je vous porte est différent de celui que j’éprouve pour ma fille… votre nièce… que vous devriez aimer aussi au lieu de la rejeter sans la connaître ! »


Fukiko arracha le bandage qui lui enserrait le poignet, dévoilant ainsi une plaie en train de cicatriser. Rei comprit immédiatement ce que sa sœur avait fait, et porta les yeux sur son propre poignet. Fukiko se dirigea vers un coffret, l’ouvrit, en sortit un bracelet. Elle le jeta à Rei. Il ressemblait à s’y méprendre à celui qu’elle avait porté pendant son adolescence et qu’elle avait laissé sur celle qui était morte à sa place.


« Je voulais que l’on soit unis par quelque chose de beaucoup plus fort que… Un enfant !!!! Quelle horreur !!! Comment as-tu pu avoir un enfant ?!!!! C’est si commun !!! Je veux un lien fort, transcendant !!! Pas quelque chose d’aussi vulgaire ! » lui hurla Fukiko


Clac !


Rei venait de gifler sa sœur.


« Jamais vous n’insulterez ma fille !!! JAMAIS !!! C’est la lumière de ma vie !!! La personne qui me fait voir à chaque instant combien l’existence est précieuse et merveilleuse, même dans ce qui vous semble ordinaire. Et vous ? Qu’avez-vous fait de si extraordinaire de votre vie ? Vous vivez en recluse, l’esprit habité de chimères, aimant en faisant souffrir et souffrant en aimant. A force de complication. De sophistication et d’orgueil. Mais la vie, l’amour, ce sont aussi des moments simples, humbles »

En parlant, Rei s’était calmée. Elle décida de ne pas en vouloir à Fukiko. Après tout, sa sœur était la première victime d’elle-même.

« Remettez votre bandage pour que cela cicatrise »

Fukiko ne bougea pas.


« Dans ce cas, laissez-moi faire »


Rei lui banda le poignet. Puis rapidement, elle lui attrapa l’autre bras et la tira vers la porte. Surprise, Fukiko avançait en trébuchant, cherchant à protester, mais résistant à son envie tant la curiosité et le désir de se retrouver avec Rei étaient forts.


A suivre…
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Message par LaLy Sam 12 Jan - 17:15

CHAPITRE 10

Juste avant de franchir le seuil de la porte, Fukiko se raidit. Soudain, elle regretta sa vie protégée de prisonnière volontaire. Rei l’encouragea en lui serrant la main plus fort, afin de lui faire comprendre la puissance du lien qui les unissait.

Fukiko sortit, fit quelques pas, lorsqu’elle lâcha la main de Rei pour porter ses deux mains sur ses oreilles. Ce bruit ! Elle en le supportait pas ! Ces voitures qui avaient tant changé depuis sa dernière sortie. Ces gens habillés si différemment. Tout lui sembla étranger. Même Rei qui lui souriait pour l’encourager.

Fukiko se blottit contre le mur, la tête dans les mains, ivre de cette sensation effrayant d’être montée dans un train sans pilote, filant à toute allure vers l’inconnu. Elle ne reconnaissait plus ce monde extérieur. Ses jambes tremblaient. De la sueur glacée lui coulait le long du dos.

« Attention au départ ! » hurlait dans sa tête la voix de ce train fou dans lequel Rei l’avait entraînée.

Elle voulait faire marche arrière. Retourner vers le confortable cocon dans lequel elle s’était enfermée. Elle ne le pouvait plus : ses jambes refusaient d’avancer. Se sentant acculée par l’impuissance, Fukiko sentit une présence étrange sur ses joues : l’eau salée des larmes qui s’étaient échappées de ses yeux malgré elle. Elle mit un instant à comprendre qu’elle, Fukiko, à la superbe murée d’orgueil, pleurait.

Elle ne voulait pas que Rei la voit ainsi. Non ! Il ne fallait pas !!!! Elle tourna la tête vers le mur, l’y appuya, dérobant ainsi son visage aux yeux de sa sœur.

Rei voulut lui venir en aide. Elle la repoussa, avec tout le mépris qu’elle était encore capable d’afficher. Même si elle ne le ressentait pas, elle s’était tant entraînée en jouer la suffisance et le dédain, que ces expressions lui revinrent, tels des automatismes.

Rei blêmit. Elle avait cru qu’une relation nouvelle aurait pu naître entre elle et sa sœur. Encore une fois, elle avait été dupe. Moins de sa sœur que d’elle-même. Et, elle s’en voulait. Ne s’était-elle pas juré que plus jamais elle ne laisserait Fukiko la traiter comme une vulgaire poupée de chiffon que l’on jette au rebus après s’être vaguement amusé avec ?

Oh non, plus jamais ! Elle n’était la chose de personne ! C’était sa sœur qui gisait contre mur. Apeurée, et pathétique. Pas elle. Fukiko refusait son aide. Fukiko la rejetait.
Bien.
C’était son choix.
Elle ne lui demanderait qu’une chose : le lui formuler à haute voix. Et, elle disparaîtrait de sa vie. Elle oublierait Rei, Fukiko, le Japon, tout ce qui la retenait à cette autre qu’elle avait été. Elle était Frédérique. Elle était la mère de Nana. Et, elle était écrivain et française.

Elle se pencha vers Fukiko, lui expliqua lentement, comme à une enfant récalcitrante et à l’intelligence quelque peu limitée, ce que son cœur avait décidé.

Fukiko ne dit pas un mot. Elle se contenta de lui faire un signe de la main, lui signifiant qu’elle pouvait partir.

« Bien. Dans ce cas, adieu » répondit tranquillement Frédérique, avant de tourner les talons et d’adopter une démarche à la nonchalance quelque peu forcée.

En dépit de ce qu’elle affirmait, Frédérique avait mal. Comme si on lui arrachait une partie du cœur. Mais, sa douleur ne saignerait pas. Elle ne le voulait pas : elle n’était plus la sienne. C’était celle de Rei. L’autre qu’elle n’était plus.

Soudain, elle sentit des bras l’entourer, puis l’étreindre dans son dos. Elle reconnut le parfum de Fukiko avant que cette dernière ne parle.

« Ne pars pas. Reste. Tu as tant de choses à me faire découvrir. Je ne reconnais plus rien » dit la voix ouatée de sa sœur.

Rei se retourna et prit sa sœur dans ses bras en murmurant : « Ne me chasse plus jamais »

Fukiko répondit d’une voix délicate et presqu’inaudible : « Plus jamais ».

Elles avaient besoin l’une de l’autre. Elles le réalisaient. En revanche, Rei ne s’était pas aperçu que cet échange avec sa sœur s’était fait en Japonais, la langue de l’intime étrangère qu’elle était à elle-même et avec qui elle entretenait des relations plus que conflictuelles.

Elle prit sa sœur par la main et héla un taxi.

A Suivre….

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Message par CryBaby Dim 8 Juin - 13:34

Hé je veux connaitre la suite moi ! ><
J'ai commencé à coucher sur le papier des idées pour une fin alternative et une suite , et moi aussi je pensais envoyer Fukiko à l'asile , hé hé...
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Message par LaLy Dim 8 Juin - 15:33

Fukiko à l'asile, bah oui, faut dire que c'est sa place....

La suite, ouh là ! Il va falloir que je me remette dedans.
Allez, pourquoi pas. Je vais essayer cette semaine ;-)
Merci de ton enthousiasme !
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Message par CryBaby Lun 9 Juin - 17:18

C'est comme le vélo, ça devrait revenir rapidement ;-)
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